Électrodynamique quantique

Une nouvelle source de photons uniques telecom pour la cryptographie quantique

Les nanotubes de carbone sont des émetteurs originaux présentant de nombreux atouts pour les futures télécommunications quantiques. Leur gap ajustable à travers le rayon du nanotube, avec la possibilité de travailler facilement aux longueurs d’ondes de 1.5µm adaptées au transport d’information par fibre optique, la possibilité de les contacter électriquement ainsi que leur bonne tenue optique à température ambiante sont des qualités assez uniques dans les monde des nano-émetteurs en lice pour les futures sources quantiques.
Leur caractère uni-dimensionnel et leur couplage original aux phonons offrent des ressources originales pour observer de nouveaux effets de couplage lumière matière et créer de nouvelles fonctionnalités pour des sources de lumière quantiques.

En collaboration avec l’équipe Atom Chip du LKB nous avons développé une technologie de cavité optique fibrée entièrement accordable, parfaitement adaptée aux nanotubes qui présentent une grande diversité spectrale. Ce dispositif a permis d’obtenir les premiers résultats sur l’émission de photons uniques par un nanotube dans le régime de Purcell, où l’émission est exaltée de plus d’un ordre de grandeur dans le mode de cavité, permettant une excellente directionnalité, une extraction proche de 100% et une très bonne fidélité.

Ref : X. He et al. Nature Materials 17, 663 (2018)

Une source quantique largement accordable

Une micro-cavité fibrée ouverte pour ajuster l’accord spectral et spatial avec l’émetteur

Les télécommunications sécurisées de demain reposant sur des protocoles de cryptographie quantique, sont basées sur l’utilisation de photons individuels c’est à dire émis un par un. Chaque photon porte une information élémentaire (un bit) encodé, par exemple, sur son état de polarisation. La lecture de l’information implique de détruire le photon et donc toute tentative d’espionnage est “impossible”. Il existe divers protocoles de télécommunication basés sur ce principe et tous nécessitent de disposer de sources de photons uniques à la demande, fiables, brillantes…

Plusieurs émetteurs sont envisagés pour ces applications (boîtes quantiques de semi-conducteurs, centres colorés de nano-diamants,…) Parmi ces candidats, les nanotubes de carbone disposent d’atouts précieux : leur capacité à fonctionner à température ambiante, à des longueurs d’ondes compatibles avec les télécommunications longues distance dans les fibres optiques ainsi que de pouvoir être stimulés électriquement. Cependant, pour pouvoir bénéficier à plein de ces propriétés, il faut pouvoir extraire les photons émis dans une direction donnée (un mode électromagnétique) et augmenter la brillance de la source.
Une méthode efficace pour ce faire est de coupler la nano-source de lumière à une micro-cavité afin de bénéficier d’un effet d’électrodynamique quantique appelé effet Purcell : lorsque la taille de la cavité optique devient comparable à la longueur d’onde et que son facteur de qualité (sa capacité à filtrer la lumière à une fréquence particulière) est élevé, alors les propriétés d’émission (spontanée) de lumière du nanotube sont fortement modifiées avec une redirection des photons à 90% dans un mode unique et une augmentation de la brillance de près d’un facteur 30.
La difficulté est de “construire” une cavité optique aussi petite exactement à l’emplacement du nanotube tout en s’assurant que sa fréquence de travail corresponde à celle du nanotube.

C’est ce que l’équipe Nano-optique a réalisé pour la première fois, en collaborant avec une équipe du Laboratoire Kastler Brossel (tous deux du département de physique de l’ENS) en adaptant une technique de cavité reconfigurable sur fibre optique initialement développée pour des recherches sur les atomes froids.

Sur la vidéo ci-dessous on voit la fréquence de travail de la cavité changer (grâce à un déplacement nanométrique d’une fibre optique) et, on observe un décuplement de la brillance du nanotube lorsque cette fréquence rencontre celle du nanotube.

Reste encore à s’assurer que les photons sont émis sont bien dégroupés (c’est à dire que la probabilité que le nanotube émette deux photons (ou plus) en même temps soit quasi-nulle. C’est ce que l’on mesure dans une expérience de corrélation d’intensité (dite de Hanbury-Brown and Twiss) présentée dans l’animation ci-dessous : une lame semi-transparente redirige aléatoirement les photons vers le détecteur de droite ou de gauche. Une carte d’acquisition enregistre alors la probabilité qu’un photon soit détecté à gauche en fonction du temps qui s’est écoulé depuis la détection d’un photon à droite. La courbe de corrélation obtenue est constituée de pics car la stimulation du nanotube est obtenue par une série d’impulsions lumineuses. La hauteur du pic central mesure donc la probabilité que deux photons soient émis simultanément. Son absence dans les données présentées ci-dessous prouve que la source à nanotube que nous avons réalisée présente une excellent fidélité.

Ref. : A. Jeantet et al., Phys. Rev. Lett. 116, 247402 (2016)

Tirer parti des phonons acoustiques pour accorder la longueur d’onde des photons

Grâce à la flexibilité de la géométrie de cavité fibrée, nous avons pu tirer tout le parti du couplage exciton-phonon et obtenir l’émission de photons uniques de grande pureté spectrale sur une plage de fréquence très conséquente, plus de 100 fois supérieure à la largeur spectrale de la source. Cette émission hors résonance est obtenue grâce à l’effet de “cavity feeding” qui est une des signatures des effets d’électrodynamique quantique. Des mesures de déclin de photo-luminescence à l’échelle picoseconde nous ont permis d’estimer la valeur du facteur de Purcell qui peut atteindre 70; Par ailleurs, une modélisation de cette efficacité en fonction du désaccord cavité/émetteur, nous avons pu estimer que le couplage de Rabi est de l’ordre de 40µeV dans ce système.

Ref. : A. Jeantet et al., Nano Letters 17, 4184 (2017)

Spectroscopie de nanotubes individuels

Localisation spontanée des excitons à basse température

La mise en oeuvre d’une technique de superlocalisation permet d’obtenir des informations sur les sites d’émission de la lumière le long du nanotube avec une précision bien meilleure que la limite de diffraction car à l’utilisation d’une approche hyperspectrale. On observe que l’émission de lumière n’est pas du tout uniforme le long du naotube mais est au contraire localisée sur certaines sites distants d’environ 80nm et que la longueur d’onde d’émission varie légèrement d’un site à l’autre.

Nous avons simulé ce comportement grâce à un modèle de potentiel aléatoire pour l’exciton le long du nanotube. Ce potentiel résulte de l’écrantage diélectrique inhomogène le long du nanotube du fait de la rugosité de l’interface entre le nanotube et la matrice de polymère. Une prédiction clé de ce modèle est la disparition d’une résonance d’excitation commune à toutes les raies de luminescence au profit d’une série de résonances discrètes liées aux états excités des puits de potentiel locaux. Ce résultat est en très bon accord avec les observations expérimentales.

 

Ref. : C. Raynaud et al., Nano Letters 19, 7210 (2019)

Contrôle du profil spectral d’émission par confinement des phonons acoustiques

 

Le caractère uni-dimensionnel marqué des nanotubes de carbone est à l’origine de la plupart de leurs propriétés physiques originales, en particulier leurs propriétés optiques. En effet, certains nanotubes émettent de la lumière dont le spectre permet d’étudier les mécanismes intimes d’interaction des électrons avec les vibrations du cristal. Ces interactions étant particulièrement exaltées dans ce système uni-dimensionnel, elles conduisent à des raies de luminescence caractéristiques avec des profils fortement asymétriques à basse température [1]. Dans cette étude, l’équipe d’optique du LPA a montré que le spectre émis par certains nanotubes s’écarte fortement de ce profil. Cet effet traduit un confinement des modes de vibration de basse énergie sur une échelle de quelques dizaines de nanomètres du fait du couplage mécanique du nanotube à l’environnement [2]. Cette découverte ouvre la voie d’une part à une ingénierie des phonons de basse énergie dans les nanotubes et d’autre part à l’obtention d’émetteurs carbonés présentant une grande pureté spectrale, caractéristique recherchée dans de nombreux dispositifs opto-électroniques.

Ref. : F. Vialla et al., Phys. Rev. Lett. 113, 057402 (2014)